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Marie Mendras : « Croire à une adhésion massive des Russes à Poutine est une erreur »

Politiste au CNRS et au Centre de recherches internationales, professeure à Sciences Po, Marie Mendras est l’autrice de plusieurs ouvrages dont La Guerre permanente. L’ultime stratégie du Kremlin paru en février aux éditions Calmann-Lévy (350 pages, 21,50 euros).
Ce n’est pas une élection, mais un plébiscite fabriqué. Le droit de vote a été définitivement retiré aux quelque 100 millions d’adultes qui résident en Russie. Et alors que Vladimir Poutine se prétend président de la Fédération de Russie, il installe des bureaux de vote dans des territoires ukrainiens occupés…
C’était déjà un scrutin anticonstitutionnel et illégal depuis qu’en 2020 il a remanié la Constitution russe sans réviser le préambule où les droits fondamentaux sont toujours inscrits. Outre le fait qu’il s’est octroyé à cette occasion deux « mandats » supplémentaires, et l’impunité, il a également introduit le fait que le droit de la Russie est supérieur au droit international, ce qui aurait dû nous alerter un peu plus sur ses intentions. Si l’on y ajoute l’absence de candidats indépendants, d’observateurs, le vote devenu obligatoire dans les entreprises, on ne peut pas parler d’élection mais de manipulation.
Cela fait trente ans que je travaille sur les scrutins en Russie et en Ukraine, j’ai été observatrice dans le cadre de missions officielles et pour avoir échangé avec les meilleurs sociologues et experts russes, croire à une adhésion massive à Poutine est une erreur. Depuis 2011, quand d’importantes manifestations ont eu lieu contre la fraude aux élections législatives, tout est verrouillé et, depuis le Covid-19 et l’agression de l’Ukraine, il est devenu impossible de sonder l’opinion. La popularité est une notion qui ne vaut que si vous avez le choix. Le score de 87 % de Poutine, c’est une dictature qui assume la transgression. Ce n’est pas une victoire « écrasante » mais une « opération spéciale » menée par les services, et elle a un effet de sidération sur la population.
Par vanité. Pour que Poutine donne l’illusion que ce plébiscite fabriqué le protège. Et certaines réactions, en Occident, sur ce point, sont pour le moins troublantes.
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